Enfrèrement

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« Chacun brille dans sa vertu originelle »

« Nulle différence entre les trois ivrognes sortant du café sur la place ; le wattman, avec sa verrue sur le nez, attendant de reprendre son service ; l’écolier courant, sac au dos, sous la menace de l’arrivée tardive. Ils ne sont plus, comme dans le train ordinaire de la vie, les uns bons, les autres méchants ; intelligents ou stupides : clairvoyants ou aveugles. Ils sont. Ils sont transfigurés en une égalité d’être. De par cette humanité essentielle, en eux, que seuls les yeux de l’âme perçoivent. Chacun d’eux brille dans sa vertu originelle. Chacun est comme régénéré, à la fois, et pardonné (de n’être que ce qu’il est !). Ce que la lumière matinale est aux choses, leur conférant une beauté sans discrimination, la lumière psychique, émanée du soleil intérieur, l’accomplit sur le plan de la relation humaine. Notre vrai ciel. »

« Toute révélation se fait à travers une rencontre. De la révélation, donc, comme rencontre de l’Autre ; et de la rencontre de l’Autre comme révélation. La question étant : quelle lumière, en moi, projette telle rencontre ; et quelle est, chez l’autre, pour autant qu’on puisse la déceler, la conséquence de sa rencontre avec moi. Un mutuel dévoilement. Lequel, à son tour, révèle, dans ses profondeurs insoupçonnées, la vie. »

« La vie se tourne vers la lumière. Vois la clarté rayonner autour de ceux qui ne sont qu’ombres pour eux-mêmes. »

(Georges HALDAS, Les minutes heureuses, éd. L’Age d’homme)

Telle est la belle page que le groupe Solidari-thé du GRAAP a partagée ce mardi de novembre 2010 dans la mémoire résurrectionnelle de Georges Haldas, récemment décédé. Nous sommes immédiatement saisis par la véracité de ce texte qui nous met en marche vers nous-mêmes. Nous nous parlons et nous nous rencontrons dans un mutuel dévoilement, conviant un autre grand poète à la table fraternelle. En effet, notre ami Pierre Matthey, co-animateur de ce groupe durant deux décennies, lâchant son « tintébin », évoque les « Sabots d’Hélène » de Georges Brassens, que la petite assemblée se met aussitôt à fredonner :

« Les sabots d’Hélène
Etaient tout crottés,
Les trois capitaines
L’auraient appelé’ vilaine,
Et la pauvre Hélène
Etait comme une âme en peine…
Ne cherche plus longtemps de fontaine,
Toi qui as besoin d’eau,
Ne cherche plus : aux larmes d’Hélène
Va-t-en remplir ton seau. »

Ne sommes-nous pas là en parfait « Etat de poésie ? » Patrie de Georges Haldas, qu’il a « cherchée avec Socrate et trouvée en Jésus-Christ ». Il partage généreusement sa découverte avec nous, par sa belle écriture. La vie, l’œuvre et la mort de ce « Nomade immobile » sont un réel enfrèrement… franciscain !

Dominique